OCEAN SOFTWARE

1983 1996PuceRoyaume-Uni Manchester (voir sur l'atlas)
Autres noms : Ocean Software Ltd., Ocean of America, Inc., Infogrames UK
Développeur et éditeur britannique basé à Manchester, Greater Manchester.

La longue histoire d'Ocean débute dans les années 70, lorsque David Ward et Jon Woods, qui se connaissent depuis l'adolescence, font leurs débuts d'entrepreneurs dans l'industrie du textile. Après avoir revendu leur boutique de vêtements, David Ward et sa famille s'installent à Los Angeles où il ouvre un night-club. C'est là qu'il découvre les bornes d'arcade, installées par la mafia locale, et qu'il voit les revenus qu'elles génèrent. De retour en Angleterre quatre ans plus tard, en 1981, il décide de se lancer dans le jeu vidéo avec Jon Woods, et crée Spectrum Games, une société de VPC de jeux pour micro-ordinateurs programmés par des amateurs. Paul Finnegan (Bug-Byte) les rejoint pour s'occuper des ventes, et Steve Blower devient directeur créatif. En 1984, Spectrum Games est rebaptisée Ocean en 1983 (voir Trivia 1). Très rapidement, grâce à des titres comme Kong et Hunchback (leur première adaptation d'arcade), les ventes grimpent en flèche grâce aux commandes des chaînes de magasins comme WH Smith. Ocean commence à recruter des programmeurs (Mike Lamb, par exemple) pour des développements internes, et des collaborateurs fiables comme Jon Ritman et Bernie Drummond - Match Day est un autre hit. Mais c'est avec Daley Thompson's Decathlon, sorti pour les jeux olympiques de 1984, qu'Ocean casse la baraque et commence à signer de plus en plus de licences. En octobre 1984, ils rachètent le nom et le logo de la compagnie Imagine pour éditer des conversions de jeux d'arcade (principalement de Konami).

Le début de l'année 1986 voit l'arrivée de Gary Bracey, gérant de la boutique de jeux vidéo Blue Chip à Liverpool, pour superviser le développement. À ce moment précis, Ocean a dans les tuyaux des adaptations des séries "Knight Rider" et "Street Hawk" (en bon français, "K2000" et "Tonnerre mécanique"), confiées à des développeurs externes encore adolescents qui ont leur propre interprétation du concept de "respect du planning". Bref, Knight Rider et Street Hawk sont en retard, et Ocean préfère bacler leur développement en interne pour éviter les amendes voir Trivia 2) et profiter de la renommée de leurs titres. Gary Bracey a désormais pour objectif d'éviter qu'une telle situation se reproduise. En 1987, Paul Finnegan quitte la société pour fonder Special FX; il est remplacé par Paul Patterson.

Gary Bracey commence également à nouer des contacts avec l'industrie du cinéma et obtenir des licences d'adaptations des gros succès au box-office américain, dans l'espoir d'en tirer un jeu à temps pour la sortie en VHS. Ainsi voient le jour les adaptations de "Platoon", "Cobra", "Predator", "Top Gun"... Cela leur ouvre également les portes du marché japonais, qui négligeait jusqu'ici ces licences et passe par Ocean pour les obtenir. De cette façon, Platoon est adapté sur NES par Sunsoft. C'est avec "RoboCop" que cette stratégie va porter ses plus gros fruits : après une simple lecture du script, Bracey recommande l'achat des droits de ce film pas encore sorti d'un réalisateur méconnu. Ocean obtient tous les droits d'adaptations électroniques - y compris les bornes d'arcade et flippers - pour seulement $10000 (ou $20000 selon les versions). Les conversions sur micro-ordinateurs, qui sortent à partir de décembre 1988 (conjointement à la sortie en VHS), sont un succès phénoménal : plus d'un an plus tard, malgré leurs bugs (voir Trivia 3), elles sont encore au sommet des charts. Le succès de ces produits dérivés finit par être remarqué par les studios de cinéma, qui deviennent plus proactifs et envoient les scripts de leurs films en cours de tournage, pour que le jeu soit prêt à sa sortie en salles. Dans la course aux licences de films, Ocean se retrouve désormais en première ligne pour signer celles qui ont toutes les chances d'être un succès (mais pas toujours) : "Nightbreed", "Red Heat", "Batman" (voir Trivia 4), "Total Recall", "Terminator 2", "La Famille Addams", "Hudson Hawk", "Cool World" (deux mauvaises pioches), "Hook", "L'Arme Fatale", "Jurassic Park" (voir Trivia 5)...

Les adaptations de films ne constituent qu'un tiers de la production d'Ocean. Il y a également les conversions de jeux d'arcade, très en vogue.Pendant qu'U.S. Gold s'occupe des jeux Capcom et se dispute les jeux Sega avec Activision UK, Ocean privilégie les jeux Konami, Taito, Data East et TAD Corporation. Là encore, ce sont de très gros succès. Pour accélérer le développement sur systèmes 16 bits, avec lesquels les programmeurs anglais ne sont pas encore bien familiers, un studio français, Ocean France, est ouvert à Sarcelles en 1988. Data East s'occupe de la distribution des jeux en Amérique du nord, mais pour consolider cette position, mieux sécuriser les licences de films et être plus proche de Nintendo, la filiale américaine Ocean of America est ouverte, avec à sa tête Ray Musci, ex-directeur des ventes de Data East.

Enfin, les créations orginales sont le troisième pilier de la production d'Ocean. Elles sont majoritairement réalisées par des studios externes, que leur collaboration soit ponctuelle ou régulière : Digital Image Design, Red Rat Software, Sensible Software, NEON Software...

On peut approximativement situer la fin de l'âge d'or d'Ocean en 1992, faute de sources fiables - le très complaisant livre "The History of Ocean" laisse les dirigeants dérouler leur storytelling sans aucune donnée chiffrée, ce qui n'aide pas à comprendre précisément comment le plus gros éditeur anglais de jeux vidéo a décliné aussi vite. C'est l'année où les éditeurs anglais abandonnent les adaptations d'arcade, qui ne font visiblement plus recette. Les licences d'adaptation de films ont vu leur coût exploser, le pompon revenant à celle de "Jurassic Park" (trois millions de dollars !) - dont on devine qu'il n'a pas eu le succès escompté. Les risques financiers impliqués par de telles sommes sont désormais trop grands. Enfin, il y a les évolutions techniques : fin des micros 8 bits et déclin de l'Amiga et du ST, soit les ordinateurs qui ont fait le succès d'Ocean. C'est désormais le PC, beaucoup plus complexe pour le développement, qui domine, ainsi que les consoles. Ocean a choisi de travailler avec Nintendo, avec de bons titres à la clé (Mr. Nutz). Ils prennent également en charge la distribution en Europe de titres d'Electronic Arts et Interplay, et signent un contrat de distribution de 70 millions de dollars avec Sony. Mais l'intense compétition sur le marché des consoles, et l'obligation d'estimer correctement les chances d'un titre lorsqu'il faut passer la commande de cartouches à Nintendo, compliquent considérablement la tâche d'Ocean, et pour ne rien arranger les ventes de cartouches baissent en 1993/94. Ajoutons à cela l'explosion des coûts de développement sur PC et la situation déficitaire de la filiale américaine, dont la fonction de signature de licences était la principale utilité, les jeux Ocean n'ayant jamais impressionné grand-monde aux États-Unis, surtout sur micro-ordinateurs (voir Trivia 6).

L'année 1994 est marquée par le départ de Gary Bracey pour raisons personnelles (il rejoint Telstar Electronic Studios) et l'investissement du groupe français Chargeurs, qui acquiert 23% du capital. Hélas, cet argent sert principalement à renflouer la filiale américaine et n'améliore pas structurellement la situation. La situation est agravée par la trahison de Sony, qui baisse abruptement son prix d'achat de cartouches à ses partenaires à Noël 1994, ce qui leur fait perdre des millions de dollars. Malgré deux titres à succès réalisés par des studios externes (Worms et EF 2000), la société affiche des pertes au cours de l'année 1995. Le 11 avril 1996, Infogrames annonce le rachat d'Ocean pour 100 millions de dollars. Même si cela en est fini pour l'indépendance d'Ocean, la société perdure sous le nom d'Infogrames UK (puis d'Atari UK) et forme alors, avec Infogrames Entertainment un groupe d'une stature internationale comptant un effectif de plus de 500 collaborateurs, et qui se classe au cinquième rang mondial avec un chiffre d'affaires dépassant les 700 millions de francs. R.I.P.

Adresse (UK, 1) : 6 Central Street, Manchester, M2 5NS
Adresse (UK, 2) : 2 Castle Street, Castlefield, Manchester, M3 4LZ
Adresse (USA, 1) : 1870 Little Orchard St, San Jose, CA 95125
Adresse (USA, 2) : 1855 O'Toole Avenue, Suite D-102, San Jose, CA 95131

Trivia 1
David Ward et Jon Woods affirment que c'est pour éviter toute confusion, car ils vendaient des jeux pour plusieurs formats et pas seulement le Spectrum, mais on peut se douter que Sinclair Systems a eu son mot à dire. Il y a aussi différentes versions sur l'origine du nouveau nom : David Ward prétendait que c'est parce qu'il aime la mer, puis plus tard il a affirmé que c'est Jon qui a vu ce nom sur un camion.

Trivia 2
Confiants dans leurs dates de sortie, ils les avaient fait apparaître dans l'énorme catalogue Kays (équivalent local de La Redoute et les Trois Suisses), qui infligeait de grosses amendes si le produit n'était pas disponible à temps lorsque le catalogue partait à la diffusion.

Trivia 3
Le niveau 3 de la version C64 a été rendu délibérément infinissable par un temps imparti trop court car les développeurs n'arrivaient pas à corriger un bug apparaissant au niveau suivant ! Voir l'article sur Retro Archives pour plus d'informations.

Trivia 4
Alors que Batman - The Movie était en développement, le directeur de Commodore UK, David Pleasance, a négocié avec Ocean une exclusivité d'une durée de deux mois sur la version Amiga afin de l'inclure dans un bundle appelé "Batman Pack" et comprenant un Amiga 500, les jeux Batman - The Movie, The New Zealand Story et F/A-18 Interceptor et le logiciel de dessin Deluxe Paint II, le tout vendu 400£. Les réticences initiales des responsables d'Ocean et des revendeurs n'ont pas duré : d'un accord initial sur 10.000 unités, ce bundle s'est finalement vendu à 186.000 exemplaires en trois mois, période de Noël 1989 comprise ! Batman - The Movie ne fut donc pas seulement un énorme succès pour Ocean (qui en vendit cinq fois plus que prévu), mais aussi un coup d'accélérateur pour le succès de l'Amiga 500 en Angleterre. Ocean renouvellera l'opération en 1991 avec le bundle "Cartoon Classics" (un Amige 500 + The Simpsons : Bart vs The Space Mutants et Captain Planet en exclusivité provisoire + Lemmings + Deluxe Paint III) et en 1993 avec le bundle "Comic Relief" (une Amiga 1200 + Sleepwalker, avec 10£ du prix donnés à l'association éponyme).

Trivia 5
Gary Bracey appelle cela le "granny purchase" : la grand-mère qui veut acheter un cadeau pour son petit-fils et qui n'y connaît rien en jeux vidéo se tournera naturellement vers un titre familier. Peu importe la qualité du jeu (souvent déplorable, surtout sur 8 bits), la licence fait vendre.

Trivia 6
On notera qu'Acclaim, qui usait des mêmes recettes qu'Ocean sur consoles et était le plus gros rival sur ce marché, connaîtra des déboires similaires à cette époque en partie pour les mêmes raison.
Minifier le texte

Jeux (56)

Une erreur ? Un complément ? Rédiger un texte ? Contactez nous.